Friday, April 22, 2011

ANG DUONG : (Partie 2) La Guerre pour chasser les Annamites ...

2 / L’armée de la cour de Bangkok

Nous avons vu que les Portugais arrive à Ayuthia peu de temps après leur installation à Malacca en 1511. Les Siamois connaissent, donc, l’utilisation des armes à feu depuis ce temps là. Mais les Birmans font mieux, ils utilisent des mercenaires Portugais en grand nombre comme nous venons de voir plus haut. De nos jours il y a, en Birmanie, de nombreux descendants de Portugais.
Ainsi l’armée siamoise savait utiliser les armes à feu et même des canons. Dans cette armée il y a aussi des mercenaires portugais. Elle a dû pourtant attaquer deux fois Longvêk pour le prendre en 1594. Du côté cambodgien, il y avait un portugais comme garde corps du roi. Finalement le roi s’enfuyait avant l’assaut final siamois.
« Mercenaires, armes à feu et membres de la cinquième colonne
« Il existait pourtant un groupe beaucoup plus important, celui des mercenaires et des hommes de guerre indépendants dispersés sur le littoral du golfe du Bengale, en Asie du Sud-Est continentale et dans l’archipel indonésien. D’après les déclarations de Joao Ribeiro, il y avait, dans les dernières années 1620, environ 5 000 Portugais employés par des Etats asiatiques entre le Bengale et l’Est de l’Indonésie, « avec peu d’espoir de retour, car ils etaient habitués à une vie libre. Ce nombre est assez élevé comparé à celui des casados brancos en Asie portugaise pendant cette même période ou à celui des soldados à Goa à la même époque. Dans les années 1630, on estime leur nombre à un millier, tandis qu’il pouvait atteindre entre 1 500 à 2 000 au début du XVIIè siècle.
(…)
« A l’époque de Van de Coutere, comme plus tôt en début du XVIè siècle, Malacca était un centre important d’où les mercenaires et les soldats indépendants se dispersaient dans le golfe de Bengale, le Sud-Est de l’Asie et l’Extrême-Orient. Malacca plus que Goa, que Cochin et peut-être même plus qu’Ormuz, était le point de rencontre entre deux mondes, le monde malais et le monde indien et, même à la fin du XVIè siècle Malacca était le carrefour d’une population extrêmement cosmopolite où se côtoyaient Tamouls (Kelings en Javanais), Chinois des provinces du Sud-Est, Vénitiens et Portugais. Van de Coutere, qui dirigea les opérations à l’extérieur de Malacca pendant près d’une décennie jusqu’à son retour à Goa en 1603, nous dit avoir exploré une grande partie des lieux de commerce malais en commençant par Pahang, puis plus tard Johore, Ayuthia, le Cambodge, Manille et Patani (et aussi la plupart des ports des côtes occidentales de Sumatra le célèbre Diogo Veloso (1559 – 1599), un mercenaire que nous avons déjà rencontré et qui, dès les premières années 1580, déployait ses activités au Cambodge et au Laos. Van de Coutere rencontra beaucoup d’autres Portugais qui, comme c’était la coutume à l’époque, se partageaient entre les activités commerciales et la guerre. Le récit antérieur de Fernao Mendes Pinto qui passa plus de vingt ans en Asie entre la fin des années 1530 et la fin des années 1550, mentionne également la présence de commerçants, mercenaires et travailleurs indépendants portugais dans des endroits les plus invraisemblables.
« Une hypothèse séduisante, qui expliquerait l’augmentation du nombre de mercenaires portugais à cette époque, est que celle-ci aurait correspondu à la diffusion des armes à feu durant ces années. On a prétendu dans le passé que les XVIè et XVIIè siècles ont vu en Asie des « empires de la poudre à canon » qui dépendaient vraisemblablement de la présence d’experts dans le maniement de ces nouvelles armes. En général, en Asie, au début de la période moderne, les deux groupes sociaux reconnus comme étant les plus capables d’utiliser les canons et autres armes plus petites étaient les Portugais (firangis ou en sanscrit Parasikas) et les Turcs originaires du Sud de l’Inde, les Sahityaratnakara, contient une description de l’enceinte d’un palais dans l’Etat Nayaka de Tanjavur, dans laquelle la cour la plus à extérieur était occupé par des mercenaires parasika ; ils portaient des armes à feu (agniyantra), se distinguaient par « leur regard imbibé d’alcool » et le vent « qui s’engouffrait bruyamment dans le canon de leur agniyantra remplissant l’espace tout entier, semblait proclamer inlassablement leur mission de tuer sans attendre, les ennemis du roi. »[1]
Nos ancêtres nous ont laissé cette légende : « La ville de Longvêk est protégée par des forêts de bambou. Ne pouvant passer à travers ces forêts de bambou, les Siamois ont tiré des balles en argent dans cette forêt. Alors les Cambodgiens détruisent ces forêts pour récupérer ces balles en argent. Ce qui a permis les Siamois de prendre facilement Longvêk. »
Il est intéressant d’essayer d’interpréter ce message, codé, légué par nos ancêtres. D’abord, les Siamois tiraient des balles en argent, cela veut dire qu’ils possédaient des armes à feu. Les forêts de bambou ne représenteraient-elles pas le peuple ? Ceux qui détruisent ces forêts pour ramasser les balles en argents ne sont-ils pas des hautes personnalités ? ». On dit qu’après l’échec de la première tentative d’attaquer Longvêk, les Siamois ont envoyé des bonzes à la cours de Longvêk. Ils ont fait en sorte que le roi ait en permanence des maux de tête. Ces bonzes ont dit que ces maux de tête proviendraient du grand stupa qui est le symbole de la puissance de Longvêk. Le roi fini par commander la destruction de ce stupa. Puis le roi fini par s’enfuire au Laos. Cette légende n’est-elle pas d’actualité de nos jours ? La défense d’un pays réside dans le peuple. De nos jours la défense d’un pays réside fondamentalement aussi dans le peuple mais bien instruit. De nos jours refuser d’instruire le peuple n’est-il pas une forme de destruction des forêts de bambou protégeant Longvêk ? Une forme d’accepter la domination étrangère ?
Longvêk, la capitale du Cambodge à cette époque est prise par les Siamois en janvier 1594. Peu de temps après le Prince Reamear Choeung Prey à la tête d’une armée, chasse la garnison siamoise installée à Longvêk, se proclame roi du Cambodge et choisit Srey Santhor comme capitale. Le 12 avril 1595, arrive à Phnom Penh un petit groupe de quelques Espagnoles. Puis ce groupe va à Srey Santhor rencontrer le nouveau roi. N’arrivant pas à se mettre d’accord, ce groupe tue le nouveau roi dans la nuit du 11 au 12 ou du 12 au 13 mai 1595. Ce fait montre qu’un petit groupe d’hommes armés d’armes à feu et rusés, peut, sans trop de difficultés, assassiner le roi du Cambodge dans son palais. Il est probable que l’entourage de Reamear Choeung Prey ne possède pas d’armes à feu.
Taksin, dont le père est un Chinois teochu, est adopté par un noble Siamois qui lui a donné le nom de Sin. A 30 ans, en 1764, il est nommé Gouverneur de la province Tak, d’où son nom Taksin.
Après s’être échappé d’Ayuthia, occupé par les Birmans, en  1767. Il lève une armée et reprend Ayuthia. L’invasion de la Birmanie par les Chinois a, sans doute, facilité sa tâche. La chute d’Ayuthia a aussi fait éclater le Siam en plusieurs morceaux qui réclame chacun son indépendance. Taksin doit encore refaire l’unité du Siam et aussi rétablir l’influence siamoise au Laos et au Cambodge. Les Siamois se lassent de ces guerres incessantes et le meilleur des généraux de Taksin, Chakri prend le pouvoir en 1781 et assassine Taksin et toute sa famille. De nos jours, en Thailande c’est toujours la dynastie Chakri qui gouverne. Au début du XIXè siècle le Siam a toujours des problèmes avec son voisin de l’Ouest. Nous retrouvons le reflet de cette situation dans les descriptions de George Finlayson ci-dessous.

* 
*          *

Le document ci-dessous nous donne des informations intéressantes sur la situation au Siam et en Cochinchine (Annam) en 1822 :
Mission au Siam et en Cochinchine
L’Ambassade de John Crawfurd en 1821 – 1822
Par George Finlayson
Traduit de l’anglais, éd. Olizane Genève 2006
Livre original en anglais disponible dans Google :
The Mission to Siam and Hue, the Capital of Cochin China
In the Years 1821 – 1822
From the Journal of the late George Finlayson, Esq
Surgeon and Naturalist to the Mission
With a Memoir of the Author
By Sir Thomas Stamford Raffles, F. R. S.
London : John Murray, Albemarle-Street MDCCCXXVI
Réimprimé par La Vergne, USA 2011

8 avril 1822
Audience royale à Bangkok (Siam)
(…)
« Nous trouvâmes deux Portugais nés dans le pays ; l’un d’eux avait un air très respectable. Apparemment on les avait envoyés pour nous servir d’interprètes. Celui qui avait l’air le plus respectable, voyant que je parlais très parfaitement le portugais, se mit à ma grande surprise à me parler en latin.(p. 102, 103)
(…)
« L’endroit où nous débarquâmes était sale, malcommode, et encombré de bois et de petits canots. On aurait pu le prendre pour l’entrée du dépôt d’un négociant en bois, du reste moins pratique et propre que beaucoup. Une foule presque entièrement d’hommes, aussi nombreux qu’il était possible d’en faire tenir dans un espace aussi restreint, y était assemblée et nous regardait avec une vive, mais je ne pourrais dire respectueuse curiosité. La porte et la muraille du palais étaient d’une grande hauteur mais de peu de majesté et d’assez mauvais goût ; et les trois autres portes et enceintes que nous eûmes à franchir n’était pas davantage remarquables de ce point de vue, et pas même pour la qualité de leur construction ou la force de leur conception. » (p. 103)
« Nous n’avions jusque là aucun garde ni personne en arme, et non plus personne de service, à l’exception des gens postés à la dernière porte. » (p. 104)
(…)
« Sur chaque côté de l’allée et jusqu’à la porte suivante se tenait un rang d’hommes armés de mousquets. Il ne pouvait y avoir rien de plus ridicule ou de moins militaire d’apparence que cette garde composée d’adolescents malingres, à peine capables de se tenir en armes, et d’hommes de tous âges. La seule uniformité notable, résidait dans leurs coiffures, qui étaient toutes de couleur rouge et dont il m’est impossible de donner une meilleure idée qu'en disant qu’elles ressemblaient exactement aux casques à la visière basse que portaient autrefois chez nous les servants de pompe à incendie. C’est à peine s’ils avaient le courage de nous regarder en face à notre passage ; et dans tout ce groupe, au nombre peut-être d’une centaine, nous ne vîmes pas une seule pierre à fusil ni un seul mousquet en état de tirer. Quelques-uns avaient une baïonnette dans son fourreau sur leur mousquet et d’autres des fourreaux sans baïonnette. Portant leurs armes maladroitement et sans attention, certains sur l’épaule droite et d’autres sur l’épaule gauche, ils ne semblaient même pas se rendre compte de notre présence. » (p. 105 – 106)
(…)
Revenant par l’allée par laquelle nous étions arrivés, nous franchîmes à nouveau la porte intérieure et la seconde porte du palais, ce qui nous ramena dans la cour où nous nous étions arrêtés quelque temps avant de pénétrer dans la salle d’audience. En cet endroit les seuls objets dignes de retenir l’attention étaient plusieurs canons de bronze ridiculement et inutilement sur dimensionnés. Ces dimensions devaient en fait, les rendre à la fois impossible à servir et à manœuvrer. La possession de canons de tel calibre paraissait cependant ne pas peu exciter la fierté des Siamois. Ces pièces semblaient avoir été exceptionnellement bien coulées. (p. 120)

[1] « L’Empire Portugais d’Asie 1500 – 1700, une histoire économique et politique » par Sanjay Subrahmanyam, éd. Maisonneuve & Larose, Paris 1999, pages 316, 317 et 318.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home