Friday, April 22, 2011

ANG DUONG : (Partie 3) La guerre pour chasser les Annamites

Description de Huê et de sa forteresse

26 septembre 1922
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En comparaison des troupes des princes indigènes de l’Inde et celles du roi de Siam, les soldats que nous vîmes ici laissaient une impression très favorable. Bien que de très petite taille, ils sont bien bâtis et d’apparence robuste. Il semble qu’ils conviendraient bien au rôle de troupes mégères ; leur vêtement est pratique et attire l’œil à la fois. Il serait peut-être difficile d’en concevoir un mieux adapté au climat et au confort du soldat et conférant en même temps cet air alerte qui est un but si constant du costume militaire. (p. 242)
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Les armes, comme nous l’avons déjà dit, sont soit un fusil soit une lance. La plus grande proportion de ceux-là semble être de fabrication française. Ils sont munis d’une baïonnette, comme les nôtres, mais considérablement plus légers. Ils semblent prendre davantage soin de leurs armes à feu que les soldats européens eux-mêmes. Ils couvrent en permanence le mécanisme, et si la pluie menace, ils enveloppent leur fusil dans un morceau de tissu. Leur équipement est semblable à celui de nos propres soldats, mais le cuir dont il est fait est orné de figurines dorées. La cartouchière est plus petite que celle d’un soldat anglais (p. 243)
28 septembre 1822
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Aussitôt que nous fûmes entrés sur le canal, nous nous trouvâmes face à l’un des côtés de la forteresse. Le terme de forteresse qui lui a été appliqué est propre à faire naître des notions erronées à son sujet, bien qu’il s’agisse peut-être autant d’une forteresse qu’une place d’aussi vaste dimension puisse l’être. C’est en fait une ville fortifiée ; et si les Français l’avaient comparée à des localités telles que Delhi et Agra au lieu de Fort William, la comparaison eût été plus juste. Les fortifications de Hué sont sans conteste d’un genre tout è fait extraordinaire, que l’on considère leur étendue, l’audace de leur conception, la persévérance dont on a fait preuve dans leur réalisation ou l’impression de force qui s’en dégage. La forteresse a manifestement été construite avec la plus grande régularité, et selon les principes européens en cette matière. Elle est de forme rectangulaire ; nous avons estimé que chacun des côtés a une longueur d’au moins un mille et demi. La hauteur du rempart est d’environ trente pieds ; la surface du mur est de brique et mortier. Les bastions sont en faible saillie, ils sont de cinq à huit meurtrières et sont situés à une grande distance les uns des autres. Les murs sont en excellent état. (p. 247, 248)
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Après quelques minutes d’attente dans notre bateau nous fûmes invités à débarquer. Comme nous approchions de la maison, nous fûmes rejoints par deux mandarins français, MM Vannier et Chaigneaux, qui entrèrent dans la maison avec nous. Ils étaient vêtus de robe de soie, selon la coutume vietnamienne (en anglais Cochin-Chinese fashion). Tous deux  étaient des vieillards de belle allure, à l’expression affable. Le premier avait participé à la guerre américaine (Guerre d’Indépendance des Etats-Unis) et semblait avoir 65 ans ; le second un peu plus jeune. Ils avaient tous les deux quitté la France quand la Révolution avait éclaté et se consacrèrent au service du précédant roi du Vietnam (en anglais Cochin China), qui les éleva à leur position actuelle. Ils furent les compagnons du roi (Gia Long) dans ses revers comme dans sa gloire ; des vingt Français qui le servirent, ils sont les deux seuls survivants. (p. 249)
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29 septembre 1822
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Remontant le fleuve nous longeâmes cette partie de la forteresse que l’obscurité nous avait empêchés de voir la veille. Cette partie de la fortification a été complètement achevée cette année. Cependant le présent roi n’est pas entièrement satisfait, au contraire de son prédécesseur, par les principes de Vauban. En conséquence il a fait réaliser les meurtrières sur un plan de sa propre conception, tout à fait inverse de l’usuel, c’est-à-dire qu’elles sont étroites  vers l’extérieur et s’élargissent vers l’intérieur. C’est le cas de toutes les meurtrières de ce côté-ci de la forteresse et cela semble être la seule objection qu’on puisse faire à cet ouvrage. Nous étions encore, plus que la veille, frappés par la grande beauté, l’ampleur, la régularité et la solidité de cette extraordinaire construction.
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Les Français nous dirent que la longueur de chaque côté de la forteresse était de 1187 toises de six pieds (2,17 km) et que huit cents pièces d’artillerie pouvaient être mises en position sur les murs. (p.255)
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Quand nous eûmes traversé plusieurs groupes de ces casernes, nous nous dirigeâmes vers notre bateau, peu désireux de marcher sous la pluie. Mais le commandant de l’artillerie voulait nous montrer son département et envoya quelqu’un nous rappeler. Il est vrai que son département valait la peine d’être vu. Nous n’avions pas vu un canon sur les murs mais là où se trouvait une collection bien faite pour nous surprendre. Ce serait une tâche énorme d’énumérer toutes les différentes sortes de canons de fer et de bronze, leurs calibres et leurs autres caractéristiques. Trois très grands bâtiments, ou mieux hangars, étaient entièrement remplis de canons de tous genres, sur leurs affûts ou démontés. Il y avait aussi un nombre considérable de mortiers et une abondante provision de projectiles. On nous désigne particulièrement un grand nombre de très beaux canons de bronze qui avaient été fondu par le précédent roi, et  parmi eux neuf exemplaires d’une taille énorme. L’officier d’artillerie observa qu’ils étaient trop lourds pour servie à la guerre mais que le roi les avait voulus comme un mémorial à la fois de lui-même et des œuvres de son règne. Ils étaient montés sur des affûts réalisés avec autant de finesse que les canons eux-mêmes. (p. 257)                            
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Il était déjà aisé de percevoir que le cerveau qui avait projeté et créé une telle œuvre, n’influençait plus sa poursuite. Il avait mis en chantier quelque chose que ses successeurs sont à peine capables de continuer ou de conserver. Par-dessus tout il était aisé de percevoir que le génie qui avait tout dirigé était français.
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L’influence des Français, il semble y avoir toute raison de la croire, décline tous les jours, et quand les deux mandarins issus de cette nation, dont l’un est sur le point de rentrer dans son pays natal, ne seront plus présents, elle s’éteindra probablement tout à fait. Les propositions faites par le Gouvernement français depuis le retour de la paix (en France après la chute de Napoléon en 1815), et ses tentatives d’établir des relations plus étroites, ont été gardées secrètes. Quelle qu’ait été leur nature, il est clair qu’elles ont été rejetées par les Vietnamiens (Cochin Chinese en anglais). C’est la Chine, et non la France, qui est l’exemple que la Cour actuelle suit en toutes choses.(p. 258)
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1er octobre 
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Le marché était bien fourni en article de Chine les plus grossiers et les plus communs, mais on y voyait très peu de productions du pays ; (p. 259
Chapitre X
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Il a été dit qu’habituellement deux tiers de la population mâle de 20 à 50 ans sont enrôlés. Par ailleurs les mandarins français affirment qu’en général un tiers des soldats sont en permission. (p. 271)
12 octobre 1822
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M. Crawfurd a offert, de la part du Gouverneur Général cinq cents fusils et deux chandeliers ; il est accordé aux Anglais la permission de commercer aux mêmes conditions que les Chinois, les Portugais et les Français.(p. 274, 275)
Les notes prises par George Finlayson, sont très intéressantes pour plusieurs raisons. D’abord c’est un voyage de reconnaissance avant le déclenchement des Guerres de l’Opium en Chine, commencées  en 1840. A ce moment là, la France sortait à peine des ruines suite à la Révolution de 1789, les guerres napoléoniennes et Waterloo (1815) marquant la fin de l’ère napoléonienne. Le développement de la société industrielle ne pu se développer rapidement que sous le règne de Napoléon III. Le Canal de Suez construit par le Français Ferdinand de Lesseps, commencé en 1852 et inauguré le 16 novembre 1869, par l’Impératrice Eugénie, logée dans une maison en fer démontable conçue et réalisée par l’ingénieur français Gustave Eiffel, le constructeur plus tard de la Tour qui porte son nom et qui est le symbole de Paris. Cette maison est démontée et offerte au Cambodge. Elle est reconstruite au sein du Palais Royal en 1876 au Sud et à côté du premier Palais Royal conçu et construit par Norodom en coopération avec Paul Le Faucheur. Elle est connue sous le nom de « Maison de Fer ». Elle fut pendant une période le bureau du Premier Ministre. Elle contient beaucoup de documents de cette période. De nos jours, elle est malheureusement fermée au public ! Le règne de Napoléon III se termine par la défaite de Sedan le 2 septembre 1870.
D’autre part le récit de Finlayson montre que l’auteur est aussi expert en observation en tout et plus particulièrement concernant les problèmes militaires. Enfin les descriptions montrent clairement la puissance militaire de Hué par rapport à celle de Bangkok. La description de Bangkok et la cour royale, montre qu’après l’assassinat de toute la famille du roi Taksin, la nouvelle dynastie n’a pas encore maîtrisé l’administration de l’ensemble du pays. D’autre part, dès les années 1820 les Anglais commencent la conquête de la Birmanie. C’est donc un document très important pour comprendre les événements militaires au Cambodge durant la première moitié du XIXè siècle.

(Suite Partie 4) ... http://khemara.blogspot.com/2011/04/ang-duong-la-guerre-pour-chasser-les_2657.html

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